Responsable fonctionnel herdialab
Experte en immobilier privé
Ces deux dernières années, les colloques et forums professionnels n’ont cessé d’aborder l’ESG (les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) et d’amplifier les discussions sur la valeur verte et le décret tertiaire. Dans les médias, les débats s’animent autour des bâtiments énergivores, des passoires thermiques et de la classification DPE G.
Dans ce concert médiatique, une question émerge : la performance énergétique est-elle une bulle ou bien représente-t-elle un avenir où le chauffage et la climatisation des immeubles ne seront plus nécessaires ? Assisterons-nous à l’émergence d’une norme où une haute performance énergétique deviendra la règle plutôt que l’exception ?
Nous vous proposons, une fois n’est pas coutume, de digresser et d’adopter un angle de vue différent pour traiter la question.
Par le passé, des investissements massifs ont permis l’émergence dans notre société d’un nouveau standard qui répondait à un besoin universel : l’eau courante.
En soi, l’eau courante existe depuis longtemps : l’archéologie en a montré l’existence en Crète, il y a 3500 ans. Mais en Europe jusqu’au 19ième siècle, il s’agissait d’un luxe réservé aux classes dominantes. Or l’urbanisation augmente la pression sur les ressources disponibles et la machine à vapeur facilite la création de réseaux d’adduction sous pression. Au cours des années 1870, 560 km de canalisations sont posés sous Paris, des aqueducs sont construits. La révolution pasteurienne incite à fournir au plus grand nombre une eau propre, et surtout contrôlée.
Cette révolution, surtout urbaine, ne touche que très lentement les campagnes : en 1945, 70 % des communes rurales ne sont toujours pas desservies.
La reconstruction de l’après-guerre est d’emblée pensée avec non seulement l’eau courante, mais aussi avec une salle de bain dans chaque appartement, même dans le logement social. Cela n’était pas forcément évident à l’époque : en 1954, seul un quart des logements français disposent d’une salle de bain. Les trente glorieuses généralisent et industrialisent l’eau courante, la robinetterie se standardise, le matériel est d’emblée conçu pour accueillir des arrivées d’eau.
Cet effort finit par porter ses fruits, puisqu’à la fin des années 1980, la quasi-totalité des français ont l’eau potable à domicile. La loi du 6 juillet 1989, qui régule les relations entre bailleurs et locataires et interdit – entre autres – la location d’un appartement sans eau courante, est venue entériner un long processus entamé avec la révolution industrielle. Il aura donc fallu plus de 100 ans – ou 3500 ans si on prend Cnossos comme référence – pour qu’il soit impensable de ne pas avoir l’eau courante.
Le parallèle entre les problématiques contemporaines et le déploiement du réseau d’eau courante dans les habitations au XIXe siècle est éclairant. Bien que les contextes soient différents, il existe des similitudes dans les défis rencontrés lors de changements majeurs dans l’industrie de la construction et de l’habitat. Voici 5 points de comparaison qui méritent réflexion.
Bien que les époques et les contextes diffèrent, le processus de transformation des normes et des infrastructures dans le domaine de la construction présente des similitudes, notamment en ce qui concerne les coûts, la rénovation des existants, la sensibilisation, la certification, la gestion des déchets et la nécessité de normes claires.
En résumé, un enjeu fort, des technologies désormais matures et une législation venue encadrer le tout sont les caractéristiques communes et déterminantes d’une adoption rapide et d’une mise en oeuvre généralisée.
Remarquons toutefois que le cadre législatif apparait bien plus tôt dans le processus. Symbole d’une prise de conscience sociétale sans laquelle il est probable que 10 décennies ne suffiraient pas à faire de la performance énergétique un nouveau standard.
Dans le sillage du réchauffement climatique et dans un contexte immobilier tendu, certains y voit probablement l’opportunité de gonfler la valeur de leurs actifs quand d’autres s’interrogent encore sur sa mise en œuvre et le ROI (retour sur investissement) associé. Quoi qu’il soit, je ne peux m’empêcher d’être optimiste et de croire que, peut-être, nos arrière-arrière-arrières petits-enfants ne sauront même pas ce qu’est un climatiseur.
Sources :